Après avoir travaillé pour
Paris-Soir et pour
La Suisse Libérale, il fut rédacteur en chef de
Curieux, de
Servir, et surtout de
La Sentinelle.
36Voir l'
article qu'il écrivit en 1954 sur ses ancêtres.
Notice nécrologiqueDernier adieu
Lucien de Dardel était un homme aussi charmant qu’étonnant qui ne devait pas avoir beaucoup d’ennemis. Lorsque je l’ai connu à La Chaux-de-Fonds, j’ai été frappé par certaines de ses attitudes et par certains côtés de son comportement. Il semblait vivre parmi nous convaincu que la bonté régnait sur la terre, il adorait tout ce qui est beau, et en parlait avec abondance.
Lorsque, entraîné par les circonstances, il devait se promener sur des faits déplaisants, il le faisait avec tant de finesse et de douceur que l’on venait à se demander si nous avions entendu des critiques ou des éloges. Légèrement bohème, il était fort étourdi. C’est ainsi que nous lui avons connu une multitude de chapeaux et de parapluies, à croire que lorsqu’il se rendait dans un restaurant, son souci le plus grand était d’en ramener le plus vieux des couvre-chef ou des parapluies aux baleines branlantes.
Les victimes de ses échanges n’ont certainement jamais rien perdu. Un jour, il avait oublié sa serviette dans une fête de levure d’un grand bâtiment. Le lendemain, il me demanda de bien vouloir aller la rechercher. A ma question, de savoir à quel étage et où il l’avait déposée, Lucien me répondit avec un calme parfait et le plus large des sourires : "si je le savais, j’aurais été la reprendre moi-même." Il était absolument désarmant par sa gentillesse innée et l’on ne pouvait que devenir son ami. Sa compagnie était des plus agréables, je lui dois beaucoup car c’est lui qui m’a encouragé à écrire ; il lisait mes papiers, m’indiquait mes fautes et la manière de les éviter avec tant de pertinence et d’aménité que je m’efforçais d’être un élève valable.
J’ai vu sa santé le quitter peu à peu, il ne se plaignait pas, malgré la difficulté grandissante qu’il avait à respirer. Il gardait sa souffrance pour lui, ne voulant pas, me semble-t-il, alarmer ses amis. Son départ me peine énormément et je suis certain que ce sentiment est partagé par beaucoup.
EUGÈNE MALÉUS.
La Sentinelle, 13 janvier 1964, p.6
Conseillère communale, députée socialiste au Grand Conseil (1966-74). Elle publie aussi des articles dans "La Sentinelle", dont Lucien de Dardel est le rédacteur en chef,
37 et occasionnellement dans d'autres journaux
38.
Elle intervient aussi pour le comité des femmes socialistes sur le sujet de la régulation des naissances.
39Dans les années 1950, Isabelle et Lucien traduisent de l'allemand des ouvrages sur la coopération.
40Notice nécrologique
Il est rare de voir alliées en une seule personne autant de simplicité avec autant de compétences, autant de modestie avec autant de fermeté. Isabelle de Dardel, dans la voie qu'elle s'était tracée, usait de toutes ces qualités sans ostentation, mais aussi sans jamais dévier, vive et enjouée quand elle le voulait, courageuse et obstinée quand il le fallait. Mais ce qui la caractérisait, c'était avant tout sa fidélité.
Fidèle, elle le fut à la mémoire de son mari. Elle crut parfois, après sa mort prématurée, que les missions qu'on lui confiait, les postes auxquels on l'appelait, dans le Parti socialiste notamment, lui étaient offerts en souvenir de Lucien de Dardel. Ce fut peut-être le cas au début, mais, par la suite, la gratitude que lui valurent ses talents et ses qualités lui était bien destinée à elle seule, quelle que fût la part qu'on pouvait attribuer à la mémoire de l'ancien rédacteur de "Servir" et de "La Sentinelle".
Fidèle, elle le demeura à toutes les causes qu'elle sentit être justes. Le rôle de la femme, le sort des déshérités, des humiliés, une certaine forme d'affirmation de l'équité furent pour elle des moments de sa vie où elle s'affirma pleinement, âprement aussi, sans crainte aucune des désagréments que cela lui vaudrait — et que cela lui valut! Elle fut aussi fidèle à ses mandats politiques, à son mandat de député socialiste vaudois, et chacun se souvient de son attitude ferme, mais mesurée, en particulier comme membre de la commission des grâces, à son mandat de conseillère communale à Pully, dont il n'est pas exagéré de dire que le siège en sera difficile à repourvoir. Fidèle, elle le fut à notre revue, même si sa plume fut plus rare que ne l'auraient souhaité nos lecteurs. Mais Isabelle de Dardel ne pouvait écrire pour noircir simplement des pages. Il lui fallait toujours exprimer, s'engager, parce qu'elle était aussi, et peut-être avant tout, fidèle à elle-même.
De nos brefs contacts, renoués à Lausanne avec une Neuchâteloise que j'avais trop longtemps perdue de vue, j'ai recueilli l'impression d'avoir connu un être dont le rayonnement sera d'autant plus durable qu'il aura été discret.
Jean-Pierre Vouga
Notice publiée dans "Habitation" : revue trimestrielle de la section romande de l'Association Suisse pour l'HabitatSeptembre 1974
Journal de Genève 12 juillet 1974Décédée à Lausanne, Isabelle de Dardel a été députée au Grand Conseil vaudois de 1966 à 1973 et membre du Comité directeur du parti socialiste suisse. Militante active et courageuse, cette femme généreuse a déployé une grande activité au sein du législatif de son canton menant un combat d'avant-garde pour la défense des libertés fondamentales. On se souvient de la motion qu'elle présenta, il y a une année, en faveur de l'octroi des droits civiques aux étrangers résidants dans le canton, motion qui fut malheureusement repoussée (et qui valut à son auteur des lettres de menaces). Membre permanent de la Commission des grâces du Grand Conseil, Isabelle de Dardel est intervenue en faveur des handicapés, elle s'est préoccupée de la situation des enfants italiens vivant clandestinement en Suisse. Elle a présenté plusieurs motions importantes, notamment sur la possibilité de faire des études dans les pénitenciers sur l'éducation sexuelle, etc. et pris position en faveur de la décriminalisation de l'avortement et des droits de la femme. Particulièrement sensible aux dangers qui menacent la liberté de pensée et d'expression, Isabelle de Dardel est intervenue en faveur d'un étudiant, expulsé pour motif d'opinion ainsi que, de façon plus générale, pour demander que les étudiants bénéficient à l'Université de la liberté d'expression et de réunion politique.
Au cours de ces dernières années, elle consacrera également une grande partie de son temps et de ses forces à l'aide aux victimes des régimes fascistes de Grèce, du Portugal et du Chili. Présidente du Groupement vaudois pour la démocratie et
l'amnistie en Grèce, elle a, en coopération avec le comité romand d'aide aux détenus politiques grecs et à leurs familles, recueilli et fait parvenir à ces derniers des secours qui leur étaient et leur demeurent indispensables. Rédactrice du Bulletin d'information sur la Grèce, journaliste de talent, elle mit sa plume au service des causes qui lui étaient chères.
C'est avec un profond chagrin, mais aussi avec un sentiment de gratitude pour le combat qu'elle a men' et l'œuvre qu'elle a accomplie que tous ceux qui l'ont connue auront appris le décès de cette personnallté dont l'exceptionnelle valeur n'avait
d'égales que la discrétion et la modestie.
D.M.